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Page principale du blog / L'opération, Témoignages, Vivre / C’est mon parcours — L’effet Lilly

08 février 2022

C’est mon parcours — L’effet Lilly

Je m’appelle Alan Spinks et j’ai écrit ce texte dans l’espoir qu’il puisse aider d’autres personnes qui sont sur le point de subir ou qui ont subi une laryngectomie totale.

 

Contexte 

En tant qu’infirmier spécialisé dans les soins de la tête et du cou, je suis passionné par l’idée de donner aux gens les moyens d’atteindre leur potentiel maximal.  

J’ai exercé diverses fonctions dans le secteur de la santé pendant plus de 34 ans.

En 2013, j’ai subi une laryngectomie totale.  Après quelques années d’arrêt de travail pour me rétablir, je consacre désormais mon temps à aider les patients à se préparer et à appréhender leur propre laryngectomie. 

Cependant, pour moi, cela n’a pas toujours été simple. Il est important de le noter car vous, lecteur de mon témoignage, ne vivrez peut-être pas le même parcours que moi. 


Avant mon opération, j’étais très actif et plutôt sociable, heureux et probablement la personne la plus optimiste que vous puissiez rencontrer. En plus d’être infirmier, j’étais conférencier professionnel. J’intervenais lors de conférences dans le monde entier pour expliquer comment améliorer les services aux patients et faciliter, accélérer et sécuriser l’accès aux soins de santé. À deux reprises, j’ai représenté mon pays d’adoption lors d’événements internationaux. J’ai géré des budgets de plusieurs millions de dollars.

Par le passé, j’étais professeur, conférencier et formateur. Vous saisissez ici que j’étais une personne très sociable et que ma voix était mon principal outil de travail. Mes passe-temps étaient le rugby (quand j’étais un peu plus jeune) et la navigation : je suis un marin qualifié et j’ai navigué sur des yachts pendant de nombreuses années au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande.  

En avril 2012, j’ai présidé un programme d’amélioration d’une semaine à Perth, en Australie, auquel ont participé certains des gestionnaires et équipes de direction des hôpitaux d’Australie occidentale. C’était probablement la semaine la plus intense de ma vie, je parlais pendant des heures chaque jour. J’ai pris l’avion pour Auckland, en Nouvelle-Zélande, d’humeur très euphorique, car j’avais le sentiment d’avoir accompli beaucoup de choses durant cette semaine. 

Tout a commencé à changer quand j’ai atterri à Auckland. Deux heures après mon retour à la maison, j’ai commencé à rencontrer des difficultés à respirer et j’ai consulté mon médecin. Il m’était devenu si difficile de respirer que mon médecin a décrété que je n’étais pas en mesure de quitter le cabinet, même pour un trajet de 10 minutes en ambulance vers l’hôpital.

Après 4 heures, ils ont réussi à contrôler ma respiration afin de m’emmener à l’hôpital. J’ai été admis dans une unité de soins intensifs et un scanner a confirmé que j’avais contracté une pneumonie bilatérale fulgurante. Heureusement, après 7 jours, j’étais suffisamment en forme pour rentrer chez moi et ainsi entamer ma convalescence.

Au cours des semaines suivantes, ma voix est devenue rauque et cela ne semblait pas vouloir s’améliorer. Le médecin que j’ai vu lors de ma consultation m’a dit qu’il pouvait s’agir des séquelles de la pneumonie et j’ai mis tout cela sur le dos de ma semaine mouvementée à Perth. Après quelques semaines, j’ai de nouveau consulté mon médecin qui m’a orienté vers le spécialiste ORL de mon hôpital.  


Le chirurgien ORL a placé une caméra dans mon nez et dans ma gorge et m’a annoncé qu’il avait vu quelque chose qu’il soupçonnait être un cancer. 

Comme vous pouvez l’imaginer, mon monde s’est écroulé lorsque j’ai entendu le mot « cancer ». Mon ORL a fait de son mieux pour me rassurer en me disant : « Si vous devez avoir un cancer, celui-ci n’est pas le pire. Nous pouvons enlever la tumeur facilement. 8 personnes sur 10 guérissent de ce cancer avec un traitement radiothérapique. » Ma réponse a été « Tant que vous ne me faites pas une laryngectomie, je suis d’accord ! » Quand le diagnostic a été confirmé par une biopsie et un scanner, j’ai entamé un protocole de traitement radiothérapique de 20 séances. Le traitement s’est étalé sur une période de 4 semaines. 

6 semaines après la radiothérapie, un rendez-vous de suivi a montré que le cancer avait bel et bien disparu. J’étais si heureux, enfin, je pouvais reprendre ma vie en main et laisser tout cela derrière moi. Un nouveau rendez-vous 6 mois plus tard a montré que le cancer était de nouveau là. Après une discussion avec mon spécialiste, j’ai accepté de subir une chirurgie laser endoscopique. Il allait utiliser le laser pour éliminer la tumeur cancéreuse mais cela allait créer un petit espace dans ma corde vocale qui pouyrrais affecter ma voix. Après l’intervention, le suivi à 3 mois n’a révélé aucun cancer. Ma voix était revenue et j’étais optimiste quant à la suite.


Mon optimisme fut de courte durée, car mon rendez-vous suivant a montré que le cancer était revenu. J’ai donc subi une nouvelle chirurgie laser endoscopique. Cette intervention m’a laissé avec une voix chuchotée. Au moins le cancer était parti, et j’étais en mesure de gérer le reste. Pendant toute cette période, j’étais persuadé que je pouvais faire face à ce cancer, que c’était fini et que je pouvais reconstruire ma vie. 


Je me suis rendu à ma visite de contrôle en octobre 2013, j’ai appris que mon cancer était revenu, qu’il était maintenant très agressif et qu’il touchait un nerf. On m’a conseillé d’effectuer une laryngectomie totale.  

J’étais dévasté, c’était la chose que je redoutais le plus. Je me souviens avoir dit à mon spécialiste : « S’il vous plaît, ne me faites pas de laryngectomie ! » Les questions se bousculaient à toute allure dans ma tête : Qui allait s’occuper de mes enfants ? Comment allais-je pouvoir exercer mon métier d’infirmier ? Comment allais-je parler ? Comment allais-je respirer ? Et la question la plus insolite qui m’est venue à l’esprit : est-ce que je pourrai encore boire avec une paille ? Je ne sais toujours pas pourquoi cette question m’est venue. Je me suis posé beaucoup d’autres questions, mais celle-là m’est restée en tête. 

Chirurgie 

4 semaines après avoir appris que je devais subir une laryngectomie totale, j’ai été admis à l’hôpital la veille de l’opération et je me suis répété que je m’en sortirais. Je vais m’adapter, aller mieux, et continuer ma vie.

Je n’ai que peu de souvenirs de mon réveil après l’opération ou même des trois premiers jours qui ont suivi.

Je me souviens qu’allongé dans mon lit, je respirais et que la seule différence était que je respirais à travers un trachéostome dans mon cou.

Quand pourrais je rentrer chez moi ?

Je ne me souviens pas avoir ressenti la moindre douleur ou gêne. Le seul problème que j’ai eu est que lorsque je toussais, je toussais à travers le trachéostome dans mon cou. J’ai rapidement accepté cette situation en toussant dans un mouchoir en papier au niveau du trachéostome plutôt que dans ma bouche ou mon nez. J’étais simplement heureux d’être en vie et relativement en forme, sans douleur ni inconfort. Je n’avais pas faim grâce au tube placé dans mon nez qui me nourrissait régulièrement. En fait, j’ai trouvé que ce n’était pas si terrible que ça. Je n’avais pas de voix, mais c’était normal, ils venaient de retirer mon larynx, alors j’ai utilisé du papier et un stylo. L’après-midi, j’écrivais toutes les questions que je voulais poser à mon chirurgien. Le jour suivant, lorsqu’il faisait sa tournée, je posais toujours la même question : quand pourrais-je rentrer chez moi ? 

Rééducation

J’ai pu rentrer chez moi après 9 jours d’hospitalisation. C’était un grand moment, enfin, je pouvais reprendre le cours de ma vie.  

Quand je suis rentré chez moi, j’avais tout cet équipement : un humidificateur, un nébuliseur, des boites de produits et des boîtes de nourriture à mettre dans ma sonde nasogastrique pour m’alimenter. Même si ma femme était avec moi, j’avais l’impression d’être très seul.

Tout à coup, j’avais quitté la sécurité de l’hôpital et toute l’assistance que l’on m’y procurait, pour me retrouver à la maison, seul avec ma femme. Je me sentais si seul : comment allais-je faire pour traverser tout cela sans les infirmières, l’orthophoniste, les médecins… mais on y arrive, on apprend rapidement à faire ce que l’on doit faire, et je l’ai fait. Petit à petit, je me suis ressaisi et j’allais de mieux en mieux, jour après jour, je me suis senti plus fort. Finalement, tout s’est remis en place. Le gonflement autour de mon cou a diminué, et l’engourdissement a commencé à disparaître.

J’étais encore essoufflée en faisant des efforts physiques, alors j’y suis allé doucement et j’ai fait les choses plus lentement. Chaque jour, je marchais un peu plus loin en étant de moins en moins essoufflé.

Trois mois après mon opération, est arrivé le jour où j’allais retrouver ma voix. Je me suis rendu à l’hôpital avec l’orthophoniste et mon spécialiste. Enfin, ils ont retiré le tube qui me nourrissait et maintenait la fistule ouverte et ils ont placé une prothèse phonatoire à la place.

Je me souviens que l’orthophoniste m’a dit « il faut maintenant réapprendre à parler ». J’ai tout de suite mis mon doigt sur mon trachéostome et j’ai très clairement dit « Que voulez-vous que je dise ? »

Ma femme et moi ne pouvions plus nous arrêter de pleurer ! Finalement, j’ai senti que tout était terminé. J’avais retrouvé ma voix. Elle était non seulement retrouvée mais bien meilleure que le murmure que j’avais après ma deuxième chirurgie au laser. J’étais si heureux. Les mots ne peuvent exprimer ce que vous ressentez lorsque vous retrouvez votre voix après l’avoir perdue pendant plus de six mois. 

J’ai ensuite jeté les protecteurs que l’hôpital m’avait donné pour couvrir mon trachéostome et les ai remplacés par ce qu’on appelle un ECH et un adhésif. 

Je me suis habitué à porter l’ECH et l’adhésif, à tel point que je ne supportais plus du tout de ne pas porter d’ECH. Si l’ECH tombait dans mon sommeil, je me réveillais immédiatement et le remettais dans l’adhésif. 

Lorsque ma santé s’est améliorée, j’ai commencé à revoir du monde et à penser à reprendre le travail. Heureusement, mon goût pour la bière est revenu et j’ai commencé à revoir des amis dans notre pub habituel, mais les choses semblaient différentes. J’avais honte de mon trachéostome et du fait que les gens pouvaient le voir. J’avais l’impression que l’on ne m’entendait pas dans les endroits très bruyants et fréquentés et cela a lentement empiré au point que je ne voulais plus sortir. Une couturière a cousu des pinces sur toutes mes chemises pour que personne ne puisse voir mon trachéostome. Je sentais que ma personnalité avait changé, que la personne sociable qui racontait des blagues pas drôles, qui partageait ses expériences ou qui prenait simplement part aux conversations n’existait plus, tout cela avait disparu au même titre que mon larynx.

J’étais gêné de sortir parce que je pensais que j’avais l’air différent et pas positivement. J’imaginais que gens me regarderaient différemment et se demanderaient pourquoi j’ai cette voix si bizarre ? Si mon ECH était visible, je pensais que les gens regarderaient mon trachéostome avant de me regarder moi. Je suis devenu très triste, mais pas seulement, j’étais aussi léthargique. Je ne faisais plus rien, je m’asseyais et je lisais. Plus inquiétant encore, je craignais pour mon mariage. À l’époque, nous étions ensemble depuis plus de 25 ans, et je sentais que c’était bientôt la fin : Pourquoi resterait-elle avec moi alors que je suis tout le temps triste, frustré et grincheux ? 

Je ne pouvais même pas envisager de reprendre le travail. Je suis infirmier et c’est ce que j’ai toujours fait. Comment pourrais-je travailler dans un service médical ou avec des patients alors que j’ai ce trachéostome par lequel je respire. Pendant les deux premières années qui ont suivi mon opération, j’ai dirigé une petite entreprise, mais c’était différent du métier d’infirmier. Avec le temps, j’ai perdu mon autorisation d’exercer en tant qu’infirmier par manque de pratique, ce qui m’a beaucoup affecté m’a rendu encore plus triste que je ne l’étais.  

J’ai réalisé que je n’étais plus la personne que j’avais été.

Je me souviens avoir entendu mon fils et sa compagne parler de la future naissance de leur premier enfant. J’ai entendu une conversation à mon propos et que la compagne de mon fils a dit : « Tu crois qu’il sera aussi triste et grincheux quand notre bébé arrivera ? » J’étais dévasté d’entendre cela. Je ne savais pas quoi faire ni où aller. J’ai réalisé que je n’étais plus la personne que j’avais été.  

Puis les choses ont changé.

C’était le jour où Lilly est née.

J’ai vu cette magnifique petite fille dans les bras de mon fils et je me suis dit que je ne pouvais plus être cette personne triste et grincheuse. Je ne laisserai pas ce bébé grandir avec un grand-père grincheux. Je veux faire partie de la vie de cette petite personne et être là pour elle et ma famille.

J’appelle ça « l’effet Lilly »

C’est Lilly qui m’a fait comprendre que nous pouvons contrôler certains aspects de notre vie mais pas d’autres. Le seul aspect que nous pouvons contrôler est la façon dont nous faisons face aux évènements. J’ai commencé à accepter l’aide médicale des spécialistes et je me suis vraiment impliquée dans ma rééducation.

J’ai pratiqué ma phonation. Je m’asseyais seul et lisais à haute voix le journal ou un livre et j’entraînais ma voix à vivre du mieux que possible sans cordes vocales.

Je suis celui que je suis.

J’ai enlevé tous les clips que j’avais cousus sur mes chemises, je voulais être moi-même. Je suis celui que je suis et je vais bien. Je suis en vie et je le resterai pour Lilly, ma famille et pour moi.  

Peu de temps après, je me suis inscrit à un cours de soins infirmiers et j’ai récupéré ma licence. J’ai senti que j’avais beaucoup à offrir aux personnes comme moi et j’ai suivi une formation pour devenir infirmier spécialiste de la tête et du cou, ce que je suis aujourd’hui. Je repense aux deux premières années qui ont suivi mon opération et je me dis que c’est vraiment dommage.

J’ai maintenant une vie bien remplie ; je travaille à plein temps pour aider les personnes qui subissent ou ont subi la même opération. Je me sens honoré et reconnaissant d’occuper ce poste. 

J’ai pris le temps d’écrire ceci parce que tout le monde a besoin de son effet Lilly. Lorsque vous êtes confronté à cette situation, vous pouvez penser que c’est fini, mais ce n’est pas le cas, c’est le début de votre nouvelle vie. 

Ne baissez pas les bras et trouvez votre effet Lilly.

La laryngectomie totale est une intervention chirurgicale qui permet de sauver des vies et qui a permis de sauver la mienne.

Embrassez-la comme l’on doit embrasser la vie.

Essayez de trouver votre propre effet Lilly plus tôt, pas 2 ans après votre opération. Si j’avais su que mon parcours contre le cancer allait se terminer par une laryngectomie totale, tout en sachant comment est ma vie aujourd’hui, je n’aurais pas hésité et l’aurais fait tout de suite. La vie est belle. 

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